Éthiopie : la révocation du TPLF fragilise l’accord de Pretoria

Le Conseil électoral éthiopien a retiré son statut légal au TPLF, invoquant des manquements administratifs. Une décision aux conséquences politiques majeures qui met en péril la mise en œuvre du processus de paix conclu après deux ans de guerre civile.

Un retrait légal, une exclusion politique

Le 5 mai 2025, le Conseil national électoral d’Éthiopie (NEBE) a officiellement retiré son statut légal au Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), ancien parti dominant du pays devenu force rebelle entre 2020 et 2022. Selon l’organe électoral, le TPLF n’a pas respecté les conditions de son enregistrement provisoire obtenu en août 2024, notamment la tenue d’une assemblée générale dans les délais légaux et la notification préalable requise.

En apparence, cette décision repose sur un fondement purement réglementaire. Mais dans le contexte éthiopien, où droit et politique sont étroitement imbriqués, elle constitue un acte à forte portée symbolique et stratégique. Elle soulève des interrogations sur la volonté réelle du gouvernement fédéral d’honorer l’accord de paix signé à Pretoria en novembre 2022.

Le TPLF invoque le droit à la réintégration

Du côté du TPLF, la riposte est claire : la révocation est perçue comme une violation de l’accord de Pretoria, qui, selon le parti, lui garantit de facto sa réintégration politique. Ce texte, signé sous l’égide de l’Union africaine, devait tourner la page d’un conflit meurtrier ayant causé des centaines de milliers de morts et plongé la région du Tigré dans une grave crise humanitaire.

Le TPLF affirme avoir agi de bonne foi, allant jusqu’à reporter son congrès en juillet 2024 sur la base de promesses verbales de réhabilitation émanant des autorités fédérales. En l’absence de concrétisation, le parti a finalement tenu son congrès en août, mais ce processus interne n’a pas suffi à convaincre le NEBE. Au contraire, il a été perçu comme une infraction supplémentaire.

Une lecture juridique restrictive

Pour le Conseil électoral, l’argument de l’accord de Pretoria ne tient pas juridiquement. “Il n’existe aucune disposition légale permettant la réhabilitation automatique d’un parti précédemment dissous”, indique le NEBE. Dans cette optique, le TPLF aurait dû se soumettre à une nouvelle procédure d’enregistrement, comme tout autre groupe politique.

Mais le TPLF rétorque que son statut est unique : ancien parti au pouvoir, signataire d’un accord de paix reconnu à l’international, il ne saurait être traité comme une formation émergente. “Cette procédure peut s’appliquer à des groupes comme Fano, mais pas à nous”, affirme-t-il.

Un risque pour la paix et la stabilité

Cette controverse met en lumière les ambiguïtés persistantes autour de la mise en œuvre de l’accord de Pretoria. Si les dispositions militaires – cessez-le-feu, désarmement, retrait des troupes – ont été globalement respectées, la composante politique reste fragile. La réintégration effective du TPLF dans le système fédéral en est un pilier. Son exclusion fragilise la dynamique de réconciliation nationale, en particulier dans une Éthiopie marquée par les tensions ethno-fédérales.

L’appel lancé par le TPLF à l’Union africaine, à l’IGAD et à la communauté internationale vise à replacer le processus de paix dans son cadre multilatéral initial. Mais l’inaction de ces garants, en particulier du panel de médiation qui n’a pas été reconvoqué, interroge sur leur capacité à garantir la crédibilité de l’accord.

Une normalisation encore lointaine

La révocation du TPLF illustre les tensions persistantes au sein de l’État éthiopien entre logique institutionnelle et nécessité de réconciliation politique. Alors que le pays s’efforce de tourner la page d’une guerre brutale, cette décision montre que la paix ne saurait être réduite à une simple cessation des hostilités. Elle suppose aussi, et surtout, un retour inclusif des acteurs au dialogue national.

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