Recensement truqué, identités bloquées : les députés du FRUD sonnent l’alarme à l’Assemblée

Djibouti, 2 juin 2025 – C’est un rare moment de franchise et de tension parlementaire qu’a offert la dernière session de l’Assemblée nationale. Deux députés du FRUD, souvent cantonnés au rang de figurants dans la majorité présidentielle, ont cette fois décidé de sortir de leur réserve. Et ils n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère.

Ali Houmed flingue les chiffres du recensement

Le premier à dégainer fut Ali Houmed Hassan, alias Ali Boss, député d’Obock. D’apparence posée mais visiblement habité d’un feu froid, il a pris la parole pour dénoncer une anomalie statistique au goût amer de manipulation politique.

« Je me présente devant vous animé de vives inquiétudes », a-t-il lancé en ouverture.

En ligne de mire : les chiffres du dernier recensement, qui annoncent une population de 37 666 habitants dans la région d’Obock, soit 160 de moins qu’en 2009. Des chiffres tendant à la baisse dans une région qui n’a connu ni exode massif ni catastrophe sanitaire

Ali Houmed s’indigne :

« Ces chiffres ne sont pas anodins. Ils déterminent les politiques publiques, les dotations budgétaires, les programmes d’aménagement et de développement. »

Autrement dit, avec ces statistiques rabougries, Obock se retrouve condamnée à l’indigence institutionnelle : moins d’investissements, moins de projets, moins de droits.

Rouffa tire le signal d’alarme sur les cartes d’identité

Dans le même élan, le député Abdallah Mohamed Rouffa a pris le relais avec un discours tout aussi frontal. Ce qu’il dénonce ? Un blocage systématique dans la délivrance des cartes d’identité nationale, pièce pourtant indispensable pour travailler, voter, se soigner, voyager… bref, exister.

Des propos lourds, révélateurs d’un gouffre administratif dans l’accès aux droits fondamentaux. L’identité, clef de voûte de la citoyenneté, devient ici un parcours du combattant. Sans carte d’identité, pas de vote, pas d’accès à l’emploi formel, ni à une série de services essentiels. Autant dire : une exclusion de fait.

Des alertes qui en disent long

Ce double signal d’alarme, venu de l’intérieur du système, a de quoi inquiéter. Car quand même les députés de la majorité dénoncent les abus de l’État, c’est que la maison brûle. En d’autres temps, ces voix auraient été marginalisées ou tues. Qu’elles s’expriment aujourd’hui, c’est le symptôme d’un ras-le-bol généralisé, d’une fracture de plus en plus béante entre le pays réel et l’État centralisé.

Et si la démocratie djiboutienne n’est souvent qu’une mise en scène sans véritable débat, ces interpellations rappellent que quelques élus n’ont pas encore renoncé à leur rôle de vigie.

Reste à savoir si le gouvernement, champion du déni poli, daignera répondre autrement que par le mépris ou l’omerta.

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