
Parler de renouveau pour le FRUD ? L’idée fait sourire dans les couloirs du parti. Le congrès prévu le 19 juin devait être un moment de réinvention. Il promet d’être, au mieux, un huis clos sans surprise, au pire, un simulacre de démocratie interne. Derrière les communiqués protocolaires se joue une guerre d’influence grimée en consultation militante.
À quinze jours de l’événement, nul ne s’interroge sur le cap politique du parti, sur l’ancrage social du parti, ni même sur sa place dans un paysage politique cadenassé. Non. La seule bataille en cours oppose deux caciques : Ali Mohamed Daoud, président à la longévité légendaire mais physiquement diminué, et Ougoureh Kiflé, son secrétaire général tout aussi enraciné. Deux vétérans pour un seul trône.
Congrès ou règlement de comptes ?
Leurs armes ? Des listes concurrentes pour organiser le congrès, deux légitimités revendiquées, et un jeu de dupes où chacun prétend incarner la continuité. En coulisses, on parle moins de projet politique que de contrôle du micro, du pupitre et des délégués. Le président a rejeté la liste d’organisation proposée par son bras droit. Il a imposé la sienne. Et avec elle, un message : ici, rien ne bouge sans mon sceau.
Le résultat : paralysie. Personne ne veut prendre le risque de déplaire, encore moins celui d’ouvrir le débat. La mécanique semble grippée: le congrès servira à légitimer une ligne déjà tracée, sans discussion, sans contradiction. Un théâtre d’ombres où l’essentiel est ailleurs.
L’héritage contre le réel
Ali Mohamed Daoud, figure tutélaire d’un parti passé de la lutte armée à la cogestion du pouvoir, reste, malgré la fatigue des ans, l’indiscutable maître des horloges internes. Moins actif sur le terrain, mais toujours central dans les rouages. Il désigne, tranche, écarte. Non pour impulser une transformation, mais pour maintenir la main sur l’appareil. Un pouvoir exercé par réflexe, plus que par stratégie, guidé moins par une volonté de transmission que par l’instinct de préserver une place acquise.
La crise actuelle ne dit pas seulement un conflit d’hommes. Nous évoquions dans un précédent article que le « Le FRUD vit replié sur lui-même, étouffé par un autoritarisme interne et une inertie institutionnalisée », car ici toute voix nouvelle est perçue comme une menace. Toute velléité de réforme, comme une trahison. Le parti est prisonnier de ses héros d’hier.
Des évincés trop légitimes ?
La liste finale du comité d’organisation, signée du président lui-même, a confirmé cette logique de contrôle absolu. Deux absents notoires : Mohamed Ali Houmed, ancien président de l’Assemblée nationale, et Ibrahim Hamadou Hassan, porte-parole du parti. Deux figures disposant d’une légitimité politique certaine, évincées sans explication.
Tous deux disposent pourtant d’un capital politique conséquent et d’une expérience institutionnelle difficilement contestable. Leur éviction, à peine dissimulée, est interprétée par beaucoup comme une manœuvre visant à éteindre, en amont, les rares voix capables d’incarner une relève crédible — et peut-être de la revendiquer.
Et pourtant, une base y croit encore
Fait troublant : malgré trois décennies de stagnation, d’alliances troubles et d’inefficacité politique, une frange non négligeable de la base militante continue d’y croire. Pas par naïveté. Mais parce que, dans le désert politique djiboutien, le FRUD reste l’un des derniers espaces où une revendication afare peut encore se dire. Ou se rêver.
Cette fidélité s’explique autant par l’histoire que par le manque d’alternative. Le FRUD conserve un capital symbolique, une mémoire, un réseau local. Mais combien de temps ces atouts pèseront-ils face à l’immobilisme organisé ?
Vers une sortie de l’ambiguïté
À ce stade, la tenue même du congrès demeure incertaine dans ses contours. Mais quel qu’en soit le format, nul n’en attend plus grand-chose — sinon la reconduction d’un statu quo déjà à bout de souffle. Un semblant d’existence politique destiné à rappeler, à défaut de convaincre, que le parti est encore debout.
Depuis que le FRUD s’est accouplé avec le RPP, il ne représente plus, aux yeux des Djiboutiens, qu’un feuilleton entre deux anciens amis — un jeu d’ombres qui attire la curiosité sans jamais vraiment mobiliser. Au-delà de son histoire, il est devenu difficile de croire en la capacité du FRUD à peser sur l’arène politique. Ce rapport de force qu’il avait pourtant su imposer à ses débuts, force de contestation et d’espoir, s’est progressivement dissipé, noyé dans une incompréhension profonde de son propre rôle. Aujourd’hui, le parti paraît prisonnier d’un passé révolu, incapable de se projeter et de redevenir ce facteur de changement qu’il avait un temps incarné.