Éthiopie : Escalade des violences intercommunautaires dans la région Afar

Des attaques meurtrières relancent les tensions entre communautés Afar et Issa-Somaliennes

Une nouvelle spirale de violence frappe la région Afar, à l’est de l’Éthiopie, où trois attaques meurtrières ont été perpétrées en l’espace d’un mois contre des communautés pastorales. Ces agressions, attribuées à des milices Issa-Somaliennes, remettent en question l’efficacité de l’accord de cessez-le-feu signé en 2024 et révèlent les limites de la réponse du gouvernement fédéral face à ces violences récurrentes.

Un mois d’août particulièrement meurtrier

La dernière attaque en date s’est produite le 1er septembre dans la zone d’Undafu Tele-Gudma Markatu, causant la mort d’un couple. Cette agression fait suite à deux autres attaques surveenues en août : le 22 août à Bokaitu (district de Yangudi) où deux femmes ont perdu la vie, et surtout le massacre de Hanruka dans la nuit du 6 au 7 août, où une famille entière – père, mère et deux enfants – a été décimée à coups de machette pendant leur sommeil.

L’attaque de Hanruka, par sa brutalité particulière, a marqué les esprits. Les corps des victimes portaient des traces d’acharnement extrême, témoignant d’une volonté manifeste de terroriser les populations civiles. Une troisième enfant, grièvement blessée, a survécu et a été hospitalisée d’urgence.

Un bilan déjà lourd

Selon les observateurs, ces récentes violences s’inscrivent dans un contexte plus large d’insécurité chronique. Depuis la signature de l’accord de paix en avril 2024, pas moins de 87 nomades Afars auraient été tués dans des attaques similaires, tandis que plus de 2 000 têtes de bétail – vaches et chameaux – ont été dérobées, portant un coup sévère à l’économie pastorale de la région.

Des accusations de soutien externe

Les autorités locales et les représentants de la communauté Afar pointent du doigt le rôle présumé d’acteurs régionaux dans la perpétuation de ces violences. Ils accusent notamment le gouvernement régional somalien d’Éthiopie de soutenir ces milices, tout en évoquant un appui logistique et militaire du gouvernement djiboutien. Ces allégations, bien que difficiles à vérifier de manière indépendante, sont récurrentes dans les témoignages locaux.

L’escalade s’est encore aggravée avec l’annonce récente par le gouvernement régional somalien de la création de nouveaux districts administratifs sur des territoires revendiqués par la région Afar, une mesure dénoncée comme une « violation flagrante des accords de cessez-le-feu ».

L’inaction du gouvernement fédéral questionnée

Le silence persistant d’Addis-Abeba face à ces violences répétées alimente un profond sentiment d’abandon parmi les populations Afar. Les représentants locaux dénoncent non seulement l’absence de réaction ferme de l’État fédéral, mais y voient une forme de « complicité tacite ». Selon eux, le pouvoir central privilégierait le maintien de ses équilibres politiques avec la région Somali plutôt que la protection des populations civiles Afar.

Cette inaction gouvernementale fragilise davantage la confiance envers les institutions fédérales et pose des questions sur l’égalité de traitement des conflits intercommunautaires en Éthiopie. Plusieurs observateurs avancent que le gouvernement d’Addis-Abeba hésite à confronter directement la région Somali, perçue comme bénéficiant d’influences diplomatiques régionales.

Une stratégie de terreur présumée

Les analystes locaux estiment que ces attaques, ciblant délibérément femmes et enfants, relèvent d’une stratégie de terreur visant à contraindre les populations Afar à abandonner leurs terres. Le ciblage systématique de civils endormis et la brutalité des méthodes employées constituent des violations graves du droit international humanitaire et pourraient être qualifiés de crimes de guerre.

Un processus de paix compromis

Malgré la formation d’un comité de dialogue comprenant des anciens des deux communautés et l’organisation de négociations à Addis-Abeba, les efforts de réconciliation peinent à produire des résultats concrets sur le terrain. L’absence de réponse ferme et juridiquement fondée à ces attaques risque d’alimenter un cycle de représailles et de compromettre durablement le processus de réconciliation engagé.

Dans une région marquée par des décennies de conflits frontaliers liés aux enjeux pastoraux et aux revendications territoriales, la persistance de ces violences constitue une menace pour la stabilité régionale et teste la capacité du gouvernement éthiopien à protéger l’ensemble de ses citoyens, quelle que soit leur appartenance ethnique.

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