
Au pouvoir depuis plus de deux décennies l’état de santé précaire du président Ismaël Omar Guelleh est au centre du débat national. Il est en effet incontestable que le président rencontre des difficultés croissantes pour exercer ses fonctions, en raison d’une dégradation de ses capacités physiques. Des sources rapportent qu’un médecin l’assiste en permanence, et qu’il ne peut apparaître en public que durant de courtes périodes, sous l’effet de fortes injections.
Cette situation suscite des interrogations légitimes au sein de la population djiboutienne concernant l’avenir du pays, dans un contexte régional instable. Les citoyens se demandent : quelle serait la procédure en cas de vacance de pouvoir ? Selon l’article 29 de la constitution djiboutienne, « En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement définitif constaté par le Conseil constitutionnel, l’intérim est assuré par le président de la Cour suprême, lequel ne peut être candidat à la Présidence durant l’intérim. […] L’élection du nouveau président a lieu trente jours au moins et quarante-cinq jours au plus après constatation officielle de la vacance. »
La grande interrogation qui plane sur Djibouti, ainsi que parmi les observateurs, est de savoir si cette disposition constitutionnelle sera réellement appliquée ou si des arrangements informels, fréquents dans d’autres pays africains francophones, seront favorisés.
Une histoire politique complexe
Pour comprendre la dynamique actuelle, il est essentiel de revenir sur l’histoire politique de Djibouti. Depuis son indépendance en 1977, le pays a été marqué par un régime tribal, éloigné des idéaux d’un État national promus par le regretté Ahmed Dini. Le président Hassan Gouled a rompu le pacte d’indépendance, provoquant des tensions qui ont mené à la confiscation de postes stratégiques par la communauté Issa.
L’attaque du Palmier en zinc en 1977, orchestrée par Ismaël Omar Guelleh alors chef de la sécurité intérieure, a marqué le début d’une répression systématique contre les Afars, plongeant le pays dans un cycle de violence et de répression. La résistance face à cette dictature a pris la forme du Front pour la Restauration de l’Unité et de la Démocratie (FRUD), qui a cherché à instaurer un équilibre politique et social. Toutefois, l’intervention des troupes françaises a étouffé cette aspiration démocratique. La transmission du pouvoir d’Ismaël Omar Guelleh, neveu de Gouled, en 1999 a scellé l’établissement d’une dynastie politique, renforcée par la nomination de proches aux postes clés de l’appareil sécuritaire et administratif.
Vers une succession incertaine
Aujourd’hui, la question de la succession se pose avec acuité. Si le président venait à disparaître, comment réagiraient ceux qu’il a placés à des postes stratégiques ? La constitution prévoit-elle une réelle alternance ou sommes-nous destinés à observer une nouvelle concentration du pouvoir entre les mains de proches du président ? Les précédents historiques laissent craindre que les lois ne soient une simple façade pour masquer une dictature camouflée sous des apparences démocratiques.
La situation actuelle suggère que la lutte pour la succession pourrait se résumer à une lutte entre les cousins d’Ismaël Omar Guelleh, chacun cherchant à préserver ses intérêts et ses privilèges. Le spectre d’un scénario à la Tchadienne ou encore à la Togolaise se profile malheureusement à Djibouti: l’apparition à la télévision d’un colonel Mamassan annonçant la mise en berne de la constitution et l’instauration d’un comité militaire de transition, le temps de préparer le terrain à un civil Mamassan de se frayer un chemin vers la présidence ; aidés en cela par la France ? L’avenir nous le dira, mais les pratiques de la françafrique ont la vie dure et les gorges profondes !
Un appel à la mobilisation citoyenne
Face à ces enjeux, il est crucial que les patriotes djiboutiens se rassemblent autour du FRUD et d’autres forces progressistes pour faire face à cette situation. Une mobilisation citoyenne pourrait ouvrir la voie à l’établissement d’un véritable État national, garantissant la coexistence pacifique et la justice sociale pour tous les Djiboutiens.
L’avenir du pays dépendra de la capacité de la société civile à s’unir et à défendre les valeurs démocratiques, face aux menaces d’un retour à des pratiques autoritaires. Le temps presse, et les choix qui seront faits dans les mois à venir détermineront le destin de Djibouti.