Le Sultanat d’Adal (1320 – 1577)

Le sultanat d’Adal, un ancien État musulman situé dans la Corne de l’Afrique, a joué un rôle significatif dans l’histoire médiévale de la région. Fondé au début du XIIIe siècle, ce sultanat a prospéré pendant plusieurs siècles en tant que puissance politique et militaire, opposant une résistance farouche aux expansions chrétiennes éthiopiennes.

Origines et fondation

Le sultanat d’Adal a vu le jour dans une région stratégique, entre l’actuelle Somalie, Djibouti, et l’Éthiopie. Il est le successeur du sultanat de l’Ifat, un autre royaume musulman de la région, et se compose principalement des populations somalies et afar, ainsi que d’autres groupes ethniques. Le Royaume a, à ses débuts, eu pour capitale Zeilah (1415-1420), Dakka (1420-1520), Harar (1520-1577) et à ses toutes fins, Assaita dans l’Awsa en région Afar.

Expansion et apogée

Sous le règne de ses sultans, notamment Sa’adad-Din II, le sultanat d’Adal a connu une expansion significative, conquérant des territoires à l’intérieur des terres et consolidant son pouvoir. Le sultanat devient une entité politique influente, jouant un rôle majeur dans la diffusion de l’islam dans la région, en opposition à l’empire chrétien d’Éthiopie, dirigé par la dynastie salomonide.

L’apogée du sultanat d’Adal se produit au XVIe siècle sous le commandement du célèbre imam Ahmad ibn Ibrahim al-Ghazi, connu sous le nom d’Ahmad « Gragn » (le Gaucher). Ahmad Gragn a mené une campagne militaire contre l’empire éthiopien, lançant une série de guerres qui ont presque réussi à renverser l’État chrétien. Ses troupes, équipées de mousquets obtenus grâce à des alliances avec l’Empire ottoman, remportèrent plusieurs victoires décisives, notamment à la bataille de Shimbra Kure en 1529.

Origine et ascension de l’imam

Ahmed Ibn Ibrahim Al-Ghazi, plus connu sous le nom d’Ahmed « Gragn » (ou Gura, signifiant « le Gaucher » en Afar) est né vers la fin du XVe siècle, probablement autour de 1506, dans la région de Zeila, un important port du sultanat d’Adal. Il était marié à Deléwanbara fille de Mahfuz, emir d’Adal.

Son origine ethnique fait débat parmi les historiens. Certains le considèrent comme un Afar, tandis que d’autres l’associent au groupe ethnique Somali, il est souvent associé à la communauté balaw, un groupe ethnique d’origine arabe autrefois installés aux environs de Souakin et qui est identifié chez les Afars. Les Balaw avaient une présence significative dans les régions côtières et intérieures d’Adal, et étaient réputés pour leur engagement dans le commerce et leur ferveur religieuse islamique.

[…l’imam en question ne fut pas somali, mais très vraisemblablement d’un clan balaw, population anciennement bedja, devenue tigréphone (Massawa) et afarophone …] page 127, Reconstruire la Somalie de Didier Morin

Bien que les détails de sa jeunesse soient peu documentés, il est clair qu’Ahmed Gragn a émergé comme un chef militaire habile et un leader charismatique, profondément motivé par la défense et l’expansion de l’islam dans la région. Son surnom, « Gragn », indique qu’il était gaucher, une caractéristique qui a été remarquée et mémorisée par ses contemporains.

Déclin et disparition

Cependant, la fortune du sultanat d’Adal a commencé à changer avec l’intervention du Portugal, allié de l’empire éthiopien. Les forces portugaises, équipées d’armes modernes et dirigées par Christophe de Gama, ont apporté un soutien crucial à l’armée éthiopienne. La mort d’Ahmad Gragn lors de la bataille de Wayna Daga en 1543 marque un tournant décisif, précipitant le déclin du sultanat.

Après la défaite d’Ahmad Gragn, le sultanat d’Adal a progressivement perdu son influence. Les guerres constantes, les pertes territoriales et les dissensions internes ont contribué à sa fragmentation. Vers la fin du XVIe siècle, le sultanat d’Adal s’effondre, laissant place à une mosaïque de petits États musulmans qui continueront à résister à l’expansion éthiopienne et européenne. En 1577, le petit-cousin d’Ahmed, Ibrahim Gasa, quitte Harar et fonde le sultanat d’Aussa avec pour capitale Assaita. La cité de Harar devient indépendante

Héritage

Le sultanat d’Adal a laissé un héritage durable dans l’histoire de la Corne de l’Afrique. Il a été un bastion de la résistance islamique face à l’expansion chrétienne dans la région et a joué un rôle crucial dans la diffusion de l’islam. Les campagnes militaires d’Ahmad Gragn, en particulier, sont restées dans les mémoires comme l’une des périodes les plus tumultueuses et héroïques de l’histoire régionale.

Aujourd’hui, l’histoire du sultanat d’Adal est un symbole d’identité pour les populations somalies et afar, rappelant une époque où ces peuples ont défié l’un des plus grands empires de l’Afrique médiévale. Son histoire continue d’être étudiée et célébrée comme un chapitre clé de l’histoire islamique en Afrique de l’Est.

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