En août 2024, Djibouti a officiellement annoncé la candidature de Mahmoud Ali Youssouf, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, pour la présidence de la Commission de l’Union Africaine. Ce diplomate chevronné, en poste depuis plus de deux décennies, espère succéder à Moussa Faki, en février 2025 et devra obtenir le soutien d’au moins deux tiers des États membres. Parmi les candidats, seuls ceux de la région Est-Africaine sont en lice, conformément au principe de rotation interrégionale. Des figures de renom : le vétéran politique kenyan Raila Odinga, considéré comme le favori, ainsi que deux anciens ministres des Affaires étrangères, Anil Kumarsingh Gayan de Maurice et Richard Randriamandrato de Madagascar.
Un parcours marqué par la loyauté et la controverse
Né le 2 Septembre 1965 à Djibouti, Mahmoud Ali Youssouf, surnommé MAY, a poursuivi des études supérieures en France, où il décroche une maîtrise en Langues Étrangères Appliquées (LEA) à l’université de Lyon 2, avant de débuter une carrière diplomatique en 1992. En mai 2001, il est nommé ministre délégué chargé de la coopération international auprès du ministère des affaires étrangères, puis à partir de 2005, il devient ministre affaires étrangères et de la coopération internationale, un poste qu’il occupe encore aujourd’hui.
MAY est un proche collaborateur du président Ismael Omar Guelleh (IOG), dont il est le plus ancien ministre. Il a su se rendre indispensable auprès d’un président autoritaire passionné du nationalisme clanique et en hostilité permanente contre l’ethnie Afar de par et d’autres la frontière. Porte voix d’un régime souvent critiqué pour des violations des droits de l’homme, la candidature de MAY soulève des questions concernant ses principes de gouvernance et ses objectifs pour l’Union africaine, surtout dans un contexte où la promotion de la démocratie et des droits de l’homme reste une priorité pour l’organisation continentale.
» Djibouti est un pays somali et nous sommes tous des somalis ! » Mahmoud Ali Youssouf, en Décembre 2022
En dehors du pouvoir qu’il représente, la personnalité de MAY ne fait pas bonne mine au niveau nationale et à souvent suscité la controverse au sein de l’ethnie Afar, souvent marginaliser et discriminer sous le régime de Guelleh. En 2015, suite à un différend foncier, il n’hésitera pas à faire emprisonner feu le vizir Chehem Ahmed, figure emblématique du pouvoir coutumier Afar. Une première dans l’histoire de la nation djiboutienne qui gardera une image péjorative d’un personnage déterminé à servir ses intérêts, même au détriment de sa propre communauté. Des faits appréciés qui expliquent notamment sa fulgurante ascension dans le cercle très restreint de l’entourage Guelleh. En effet, malgré la modeste dotation budgétaire de son ministère, Mahmoud Ali Youssouf est aujourd’hui l’un des hommes les plus riches de Djibouti. Sa proximité avec IOG lui aurait permis de bénéficier d’un système de rétribution opaque, percevant des commissions sur chaque don ou prêt financier impliquant son ministère.
Une diplomatie en berne
La diplomatie djiboutienne a rencontré plusieurs échecs notables ces dernières années, qui ont mis en lumière les défis auxquels le pays est confronté sur la scène internationale.
Échec à obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU : En 2020, Djibouti a perdu une élection clé contre le Kenya pour un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies. Malgré le soutien de plusieurs États africains, Djibouti n’a pas réussi à obtenir les deux tiers nécessaires des votes de l’Assemblée générale des Nations Unies. Un échec interprété comme un signe de la faiblesse relative de la diplomatie djiboutienne face à celle de ses voisins.
Conflit avec l’Érythrée : Le long conflit frontalier avec l’Érythrée a été un autre revers pour la diplomatie djiboutienne. Bien que des accords de paix aient été signés sous l’égide de l’Union africaine et des Nations Unies, les tensions persistent, et Djibouti n’a pas réussi à obtenir une résolution définitive et pleinement satisfaisante de ce différend territorial, ce qui continue d’affecter la stabilité régionale.
Une position de paria régional : L’implication de Djibouti dans les problématiques somaliennes a souvent été perçue comme une tentative d’influence indue et d’ingérences déclenchant des réponses hostiles de la part de la Somalie. Djibouti s’est également fait remarquer amèrement dans les affaires éthiopiennes notamment son soutien assumée envers la junte TPLF ou encore son protagonisme flagrant dans le conflit entre les régions Afars et Somalis d’Ethiopie n’a fait que déprécier les relations hautement étroites entre l’Ethiopie et Djibouti.
Une réprobation partagée par le président ougandais Museveni qui a publiquement rejeté la candidature de Djibouti de façon inhabile et sans ménagement le 21 aout dernier.
Après 47 d’un pouvoir totalitaire aux élans claniques, les aspirations de Djibouti à briguer un mandat au sein de l’Union Africaine semblent peu crédibles d’autant plus que sa marginalisation régionale limite considérablement le nombre de soutien exigé. Mais Djibouti a l’expérience des échecs, le naufrage économique et social qui la fragilise ne l’inquiète pas plus qu’une supposé déroute diplomatique, tant que l’on parle d’elle. Après tout, n’est ce pas là l’objectif principal ?