Retour sur la proposition de Djibouti à l’Éthiopie : une volte-face diplomatique ?

Le 30 août dernier, une annonce audacieuse du ministre des Affaires étrangères djiboutien, Mahmoud Ali Youssouf, a secoué la scène diplomatique de la Corne de l’Afrique. Lors d’une interview avec la BBC, Youssouf a proposé que Djibouti cède le contrôle total du port stratégique de Tadjourah à l’Éthiopie, dans le but d’apaiser les tensions régionales entre Addis-Abeba et la Somalie. Cette proposition inattendue visait à répondre aux besoins croissants de l’Éthiopie, un pays enclavé qui dépend fortement des ports voisins pour son commerce, et à apaiser les différends frontaliers avec la Somalie.

Cependant, après des attentes prolongées, aucune réponse officielle n’a été donnée par l’Éthiopie. Selon des sources non confirmées, Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien, aurait catégoriquement refusé l’offre lors de discussions avec Ismaïl Omar Guelleh (IOG), président de Djibouti, en marge du Forum Chine-Afrique à Pékin. Ce rejet a suscité des remous à Djibouti, où le président Guelleh aurait été profondément agacé par cette réponse négative, perçue comme une humiliation.

Revirement djiboutien : le port de Tadjourah en partage

Face à ce refus éthiopien, Djibouti a rapidement changé de discours. Le 9 septembre 2024, lors d’une rare conférence de presse, le ministre Mahmoud Ali Youssouf a rétracté sa proposition initiale, affirmant que le port de Tadjourah ne serait ni vendu ni cédé à l’Éthiopie. Il a précisé que la gestion du port serait partagée entre les deux pays, dans un modèle de coopération similaire à celui de la compagnie ferroviaire reliant Djibouti à Addis-Abeba.

Ce revirement semble indiquer une tentative de sauver la face après la débâcle de Pékin, où la proposition djiboutienne a été balayée d’un revers de main par le leader éthiopien. Selon des sources locales, la colère d’IOG envers son ministre des Affaires étrangères a été explosive. Il l’aurait publiquement humilié à son retour de Chine, l’accusant d’avoir pris l’initiative de proposer la cession du port sans autorisation, alors même que la directive venait de lui.

Un échec stratégique ?

Cette volte-face soulève des questions sur les véritables motivations de Djibouti. La proposition de céder le port de Tadjourah semblait initialement répondre à une stratégie plus large visant à maintenir une influence sur l’Éthiopie, dont les besoins en accès maritime sont essentiels pour son développement, et de tuer dans l’œuf le projet de l’accord avec la Somaliland. Cependant, le refus d’Abiy Ahmed montre qu’il n’est pas dupe de la stratégie djiboutienne et met en lumière les tensions diplomatiques et les malentendus persistants entre les deux nations.

L’épisode du port de Tadjourah illustre les défis complexes de la diplomatie dans la Corne de l’Afrique, où intérêts économiques, tensions politiques et rivalités régionales se mêlent. La capacité de Djibouti et de l’Éthiopie à surmonter cet incident sera cruciale pour la stabilité et la prospérité de la région.

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