Tadjourah : Abdoulkader Youssouf, 22 ans, foudroyé par la négligence

Il s’appelait Abdoulkader Youssouf. Vingt-deux ans, un avenir à bâtir, des rêves encore frais. Il est mort suspendu à un poteau électrique, les bras tendus, le corps inerte, foudroyé par une décharge qui n’aurait jamais dû l’atteindre. Ce n’est pas un accident du travail. C’est un crime par négligence, commis dans l’indifférence générale, maquillé en fatalité.

Abdoulkader était agent à l’Électricité de Djibouti (EDD), affecté à Tadjourah. Ce 11 juin 2025, il a été envoyé en intervention sur une ligne sans qu’aucune mesure de sécurité ne soit prise. Pas de coupure de courant. Pas d’équipement isolant. Pas de matériel adapté. Rien. Seulement sa jeunesse, son courage, et une échelle branlante posée contre un poteau vétuste.

Une tragédie évitable

Le réseau électrique local est dans un état de délabrement avancé. Poteaux fissurés, lignes dénudées, transformateurs rouillés : un piège mortel à ciel ouvert. La vétusté du parc est connue, documentée, dénoncée depuis des années. Ce drame, comme tant d’autres, n’est pas une surprise. Il est la conséquence directe d’une politique de l’abandon, où la maintenance est un mot oublié et la prévention, une légende.

Il y a quelques années déjà, un autre jeune employé avait perdu la vie, électrocuté dans les mêmes circonstances, au même poste, dans le même silence. À l’époque déjà, aucune réforme, aucun audit, aucun sursaut.

À la tête de l’EDD : un homme, deux casquettes, zéro réponse

Au sommet de cette chaîne de responsabilités tronquées se trouve Omar Houssein, directeur général de l’EDD et président du conseil régional de Tadjourah. Une double fonction censée rapprocher la gestion des réalités du terrain. Mais au lieu de rapprocher, elle confond. Il est à la fois le gestionnaire du réseau meurtrier et l’autorité censée défendre les intérêts de la région endeuillée.

Face à la tragédie, Omar Houssein n’a ni rompu le silence, ni exprimé la moindre compassion publique. Aucune promesse d’enquête. Aucune annonce de réforme et surtout aucune solidarité envers la famille endeuillée. Seulement une surdité institutionnelle.

Abdoulkader n’était pas un haut fonctionnaire. Ni le fils d’un dignitaire. Juste un jeune homme ordinaire, embauché à bas salaire, affecté sur le terrain, sans protection, sans formation adéquate, sans syndicat pour le défendre.

Sa mort n’est pas une exception. Elle est le symptôme d’un mal plus profond : un pays où la vie d’un travailleur est souvent négligé, où l’impunité est protégée, et où l’État est démissionnaire.

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