
Alors que la machine présidentielle prépare désormais sa révision constitutionnelle sur mesure, le pouvoir tente de repeindre son image en “ami des Afars”. Une pré-campagne un peu trop bien chorégraphiée, qui en dit long sur la panique du palais.
Il n’aura suffi que de quelques formules bien choisies au journal télévisé de la RTD pour relancer les spéculations : le pouvoir songerait à “adapter la Constitution aux réalités du moment”. Un ton renforcé par une circulaire officielle de l’Assemblée nationale, datée du 21 octobre 2025 et signée par Dileita Mohamed Dileita, président de l’institution, convoque les députés pour une séance publique le dimanche 26 octobre 2025 à 10h00.
À l’ordre du jour : un unique point, la “Proposition de loi N°001/AN/25/9ᵉ L portant révision de la Constitution.”
Tout le monde a compris le scénario, mais le pouvoir préfère faire durer la mise en scène : la fameuse “adaptation de la Constitution aux réalités du moment”, évoquée depuis plusieurs semaines dans les médias d’État, entre désormais dans sa phase formelle. Une “mise à jour” qui, par un heureux hasard, coïnciderait avec la nécessité de lever la limite d’âge imposée au président sortant. Mais chut ! Personne ne le sait encore.
Un parfum de déjà-vu
Depuis un quart de siècle, la Constitution djiboutienne semble souffrir d’un étrange vieillissement sélectif : elle ne supporte pas les rides du pouvoir. Chaque fois que le calendrier électoral approche, on la “réadapte”, on la “modernise”, on la “clarifie” bref, on la plie.
Loin d’être un socle républicain, elle est devenue un vêtement ajustable, retaillé à chaque mandat pour convenir au même corps politique.
Cette fois encore, le discours officiel emprunte les atours de la sagesse : il s’agirait d’“anticiper les défis”, de “garantir la stabilité” et de “renforcer la cohésion nationale”.
En clair, prolonger l’ordre établi au nom de la continuité.
Au nom de la reconquête
Mais la nouveauté n’est pas dans la méthode, elle est dans la cible. Depuis plusieurs semaines, une campagne politique d’un genre particulier s’est mise en branle : elle ne s’adresse pas à la nation entière, mais à une seule composante, les Afars. Car chez eux la fracture est profonde.
Des épisodes récents – la guerre dans la région afar en Éthiopie, les drames de Warabale et PK12, les frappes de drones à Siyaru, ou dernièrement la représentation culturelle exclusive à l’exposition d’Osaka – ont laissé des traces durables.
Face à ce désamour désormais visible, le pouvoir cherche à reconstruire l’illusion d’un lien. Cette “campagne afar”, amorcée bien avant toute déclaration officielle, ressemble plus à un exercice de gestion de crise. Conscient du vide qu’il a creusé le pouvoir tente désormais de repeindre le décor.
Les relais médiatiques s’activent, les “initiatives citoyennes” fleurissent, et certains médias locaux s’improvisent vitrines de loyauté.
Au premier rang de cette mise en scène, Tadjourah Solidaire : un media au nom engageant, mais dont la “solidarité” semble, à y regarder de près, surtout orientée vers le haut, du côté du régime. Elle s’improvise depuis peu en vitrine officielle de la loyauté afar. Communiqués enthousiastes, déclarations soigneuses tout y passe. Jusqu’aux chants patriotiques, jadis hymnes à la dignité collective, désormais recyclés en odes au chef
Quand le régime s’achète des applaudissements
On reconnaît ici la vieille recette des régimes en bout de souffle : lorsque la légitimité s’effondre, on fabrique le consentement. On invente des “associations citoyennes”, des “diasporas engagées”, des “leaders communautaires responsables”. Et quand le tout ne suffit pas, on inonde les réseaux sociaux d’un soutien numérique de circonstance.
C’est le syndrome classique du pouvoir isolé : plus personne n’y croit, alors on montre qu’il y a encore “quelqu’un”.



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