Exposition internationale d’Osaka : Quand l’ethnocentrisme institutionnalisé Somali-Issa s’assume

Lors de l’Exposition internationale d’Osaka, un événement mondial où la diversité des cultures devrait être mise en avant, le gouvernement djiboutien a fait un choix qui n’a pas manqué de choquer et d’interroger : ne présenter qu’une seule facette de son identité culturelle, celle du clan politique dominant, les Issas. Cette décision n’a pas seulement suscité des interrogations sur la véritable représentation de la culture djiboutienne, mais elle a également mis en lumière une situation préoccupante, voire alarmante, en matière de discrimination, ségrégation, et de manipulation politique.

DJ MANGO – Artiste d’origine éthiopienne représentant Djibouti à l’expo OSAKA 2025

Des artistes Éthiopiens à la place des créateurs locaux 

La participation de Djibouti à l’Exposition internationale d’Osaka a révélé une réalité rarement évoquée : la domination culturelle des Issas sur les autres communautés du pays. En ne présentant que la culture Issa, le gouvernement djiboutien a délibérément écarté des représentations culturelles, les Afars et les Arabes pourtant enracinées dans l’histoire et la diversité du pays. Cette exclusion symbolique est d’autant plus frappante que Djibouti est une nation pluriculturelle, où coexistent plusieurs groupes ethniques.  

Mais ce n’est pas tout. En choisissant de réduire la culture de Djibouti à une seule voix, le gouvernement a aussi révélé au monde entier la ségrégation existante entre les cultures Issa et non Issa, un pied de nez aux Afars qui particulièrement persécutés, une fois de plus, sont exclus de la scène publique, à la fois politique et culturelle. Ce geste manifeste l’humiliation de toute une communauté déjà fragile et marginalisée dans l’espace national.  

Ce qui est particulièrement dérangeant dans cette affaire, c’est que l’ensemble des artistes choisis pour représenter Djibouti à l’Exposition d’Osaka n’étaient pas djiboutiens. L’orchestre, dirigé par un DJ en particulier, était exclusivement composé d’artistes originaires d’Éthiopie. Ce choix soulève plusieurs questions cruciales, notamment sur la légitimité de ces artistes à incarner la culture djiboutienne, étant donné qu’ils n’en sont pas issus.  

En outre, ce DJ et sa troupe sont particulièrement controversés en raison de leurs liens avec un groupe paramilitaire d’origine éthiopienne, la milice de la jeunesse Issa, également connue sous le nom de « Barbarta Sitti ». Ce groupe est tristement célèbre pour ses attaques violentes contre la population Afar en Éthiopie. Le DJ en question a été filmé aux côtés du tristement célèbre Maslax, un leader de cette milice, armé et menaçant publiquement de « exterminer » la population Afar. Maslax, une figure de proue de cette milice, avait également été invité par les autorités djiboutiennes lors de la dernière campagne présidentielle, où il a bénéficié de privilèges exorbitants, appartements, voitures, voyages financés par des figures du gouvernement, qu’ils exhibent sur les réseaux sociaux, contrastant violemment avec la situation de précarité de la majorité de la population djiboutienne.  

Hibo Moumin Assoweh – Ministre de la Culture

Djibouti : interrogation sur son implication dans la déstabilisation régionale

Après cet événement plusieurs questions surgissent et se posent en premier lieu à Hibo Moumin Ministre de la Culture et par la suite au restant des acteurs gouvernementaux :  

1. Comment des artistes étrangers, en l’occurrence éthiopiens, ont-ils été choisis pour représenter Djibouti à un événement international ?  

Le choix d’artistes étrangers pour incarner la culture d’un pays est déjà un sujet sensible. Mais ici, cela soulève des préoccupations géopolitiques, en particulier en raison des tensions entre les communautés Afar et Issa, et des liens étroits entre certaines figures de l’élite djiboutienne et des groupes paramilitaires éthiopiens.  

2. Comment ces artistes ont-ils obtenu des visas pour participer à un événement censé représenter Djibouti, un pays où ils n’ont pas de lien culturel ou historique direct ?  

Le gouvernement djiboutien a facilité l’entrée de ces artistes éthiopiens sans explication claire. Leurs liens avec des milices impliquées dans des conflits violents dans la région rendent ce choix encore plus suspect, voire irresponsable.  

3. Quel message le gouvernement djiboutien envoie-t-il à sa propre population, en particulier à ses citoyens Afars et Arabes ?  

En ne présentant que la culture Issa, le gouvernement envoie un message de discrimination envers les autres communautés du pays. Ce traitement inégal renforce la division au sein de la société djiboutienne et exacerbe les tensions ethniques et politiques, tout en légitimant cette exclusion sur la scène internationale.  

4. Quel impact cela pourrait-il avoir sur les relations diplomatiques de Djibouti avec ses voisins ?  

Cette situation pourrait aggraver les relations entre Djibouti et les autres pays de la région, notamment l’Éthiopie et les nations voisines, en raison de l’implication de groupes paramilitaires éthiopiens dans des violences contre les Afars. En soutenant publiquement des figures liées à des milices responsables de violences ethniques, le gouvernement djiboutien envoie un message inquiétant à l’Éthiopie : il semble approuver, voire encourager, toute tentative de déstabilisation dans la région. Cette promotion de groupes paramilitaires éthiopiens liés aux violences contre les Afars pourrait être perçue par Addis-Abeba comme un soutien tacite à des mouvements qui cherchent à fragiliser l’intégrité territoriale de l’Éthiopie, en exacerbant les tensions internes dans les régions Afar et Somali.  

Il est évident que de telles décisions ont des répercussions internationales, et ne peuvent être interprétées uniquement sur le plan local. Le gouvernement djiboutien, en prenant ce risque, ne fait pas qu’afficher son ethnocentrisme Somali-Issa au détriment des autres : il envoie également un signal fort à ses voisins, et notamment à l’Éthiopie, concernant sa position vis-à-vis de la stabilité régionale. 

Une crise de légitimité et de cohésion nationale

L’Exposition internationale d’Osaka devait être une occasion de célébration de la diversité culturelle. Pourtant, en choisissant de ne présenter qu’une vision unilatérale de la culture djiboutienne, dominée par les Issas, le gouvernement a non seulement marginalisé des groupes ethniques et culturels entiers, mais a également mis en lumière une fracture profonde au sein du pays. En agissant ainsi, il ne fait qu’accentuer les divisions internes, tout en créant des tensions diplomatiques à l’échelle régionale.  

Ce n’est pas seulement la culture qui est en jeu, mais également la légitimité d’un gouvernement qui semble avoir choisi de privilégier des intérêts claniques en particulier, au détriment de l’unité nationale et de la véritable diversité culturelle de Djibouti. Dans ce contexte, les responsables Afars au sein du gouvernement doivent désormais faire un choix : se dissocier de cette politique d’exclusion et de discrimination ou continuer à jouer le rôle de complices dans un système qui marginalise leur propre peuple.

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